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Vidéo astrométrie: Ce que nous faisons
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VIDÉO ASTROMÉTRIE

technique de traitement d'image vidéo

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Lorsque j’ai débuté en astronomie au début des années 80, les ressources documentaires étaient beaucoup moins riches qu’elles ne sont aujourd’hui. Internet, informatique, capteurs CCD et Cmos auront révolutionnés la pratique de l’astronomie amateur, donnant accès à d’innombrables sources de données, de conseils pratiques, de tutoriels, de techniques innovantes et pointues, …

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Je pratique l’astrométrie (mesure de la position et de la luminosité des géocroiseurs) depuis 2017. Le code attribué à mon site d'observation par le Minor Planet Center sous l'égide de l'Union Astronomique Internationale est Z43. C’est l’observation des occultations d’étoiles par les astéroïdes qui m’a amené progressivement à m’intéresser à l’astrométrie. Il y a quelques années de cela, je générais pour mon site d’observation mes propres prédictions d’occultation à l’aide d’un formidable outil Occult V4 de Dave Herald. Afin de tenter d’améliorer ces prédictions, j’avais envisagé de pratiquer l’astrométrie afin d’enrichir avec des  mesures de dernière minute la base de données observationnelles des astéroïdes concernés. Puis très vite l’astrométrie est devenue mon activité principale d'astronome amateur.

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Le matériel idéal pour l’observation des occultations reste encore à ce jour une caméra vidéo analogique à haute sensibilité (même si depuis peu apparaissent sur le marché de nouvelles caméras vidéo numériques) couplée à un VTI (Video Time Inserter ou incrustateur vidéo avec récepteur GPS). C’est avec cet équipement que j’ai décidé de me lancer dans l’astrométrie. Pourquoi ne pas avoir choisi une classique caméra astro  (caméra planétaire ou pour le ciel profond) ? Pourquoi une caméra vidéo ?

Il y a trois raisons à cela : 

  • financière. Même si aujourd’hui on trouve des cameras astro à un prix abordable, il n’en reste pas moins que cela représente un investissement et j’estime que ces dépenses ne sont pas prioritaires.

  • La seconde raison est technique : l’avantage de la caméra vidéo analogique est qu’elle peut être connectée à un système de datation ultra précis. Chaque image, chaque trame vidéo peut être datée avec une précision de l’ordre de la milliseconde.

  • Dernière raison : la grande sensibilité de certaines caméras vidéo permet de détecter des astres de faible luminosité en quelques secondes. Ainsi, sous un ciel sans lune, non urbain et correctement transparent, avec un télescope de 254mm et une caméra Watec 910 HX/RC et un temps d’intégration de 256X (qui en réalité est de 254X ou 127 images ou 5,08s) un astéroïde de magnitude visuelle comprise entre 18,0 et 18,5 est visible sur un écran de contrôle (à condition que les turbulences atmosphériques ne soient pas trop fortes). De fait, ce matériel ne nécessite pas l’utilisation d’auto-guidage. Une mise en station soignée est normalement  suffisante et nécessaire pour un cadrage constant durant l’enregistrement.

 

L’utilisation de ce type de caméra n’a pas que des avantages : 

  • Le temps d’intégration est limité à environ 5 secondes alors que les caméras astro autorisent des temps de pose de plusieurs dizaines de secondes voire des dizaines de minutes. Plus l’exposition sera longue, plus nombreux seront les photons détectés par le capteur et plus faibles seront les objets observés. 

  • Force est de reconnaître le caractère fastidieux du traitement d’image : le flux vidéo issu de ce type de caméra est analogique et suppose alors une conversion numérique avant d’être transféré sur un ordinateur en plus d’un certain nombre d’autres manipulations décrites dans les lignes suivantes.

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Avant d’expliquer la méthode de traitement des images vidéo que j'emploie afin de générer des mesures astrométriques je vous invite vivement à lire le guide de Dave Herald (en anglais) sur la vidéo-astrométrie ainsi que celui rédigé par Alex Pratt. Ils sont consultables depuis le site du Minor Planet Center, sur lequel vous trouverez aussi un autre guide plus général sur l’astrométrie.

A noter que le guide d’Alex Pratt décrit de manière pratique l’utilisation d’un outil particulièrement intéressant pour mener à bien des observations astrométriques à l'aide d'une caméra vidéo :  Tangra de Hristo Pavlov. Ce logiciel prend en effet en charge la conversion du fichier vidéo .avi en .aav, mesure la position de la cible sur chaque image composant la vidéo et détermine une position moyenne associée à un temps moyen. Ce qu’on nomme en anglais « normal position ». L’utilisation de ce logiciel est assez intuitive mais possède quelques limites.

En effet, pour que Tangra soit en capacité de mesurer la position d’une cible (astéroïde ou comète) encore faut-il qu’elle soit suffisamment lumineuse. Si le SNR (Signal Noise ratio) est trop faible, Tangra risque de perdre la cible. De même, si la cible passe à proximité d’une étoile, Tangra décrochera et se focalisera sur cette dernière au détriment de l’objet qu’on souhaitait mesurer. En résumé, cet outil reste globalement efficace tant que la cible est relativement lumineuse et ne frôle aucune étoile (autant dire que mesurer un objet faible dans un champ stellaire dense relève de l’exploit !).

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Pour ces différentes raisons que j’ai mis progressivement en place un processus (qui mérite certainement d’être amélioré) de traitement d’image vidéo. Je n’ai pas la prétention d’inventer un nouveau procédé ;  je me repose simplement sur des techniques existantes que j’imbrique les unes dans les autres.

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Le matériel utilisé est un télescope Skywatcher de 254mm de diamètre ouvert à f/d 4,7 sur une monture Eq6, une caméra Watec 910 HX/RC, un VTI GPSBOXSPRITE et un DVR (enregistreur vidéo numérique).

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1ère étape : transfert de la vidéo depuis le DVR vers un PC via le logiciel libre Virtualdub. Afin de limiter le poids du fichier, j’utilise le codec Logarith pour compresser la vidéo. 

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2ème étape : conversion du fichier .avi en .aav avec Tangra 

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3ème étape : extraction depuis la vidéo.aav des images en format FITS (Flexible Image Transport System : format couramment utilisé en astronomie). Pour une vidéo d’une durée de 2 mn environ et un temps d’intégration de 254X (ou 127 images), 23 à 25 images sont extraites.

Les deux étapes précédentes sont expliquées par Hristo Pavlov sur une page dédiée sur son site http://www.hristopavlov.net/Tangra3/ dans la rubrique « Help » « converting Analogue Video to FITS » .

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4ème étape : les images doivent être renommées afin que la syntaxe soit reconnue par le logiciel d’alignement Iris de Christian Buil. Pour cela j’utilise le logiciel Ant Renamer qui permet de modifier en nombre des noms et/ou extensions de fichiers. 

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5ème étape : alignement avec Iris

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6ème étape : les images alignées sont ensuite chargées dans Astrometrica de Herbert Raab.  Puis elles sont empilées grâce à la technique « stack and track ». C’est bien au niveau de cette étape que se fait la différence entre « ma » méthode et celle décrite par D. Herald ou A. Pratt. 

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7ème étape : vérifier les résiduels avec Find Orb de Bill Gray ou sa version en ligne on-line Find Orb.

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Il m’a été ainsi possible de repérer un astéroïde de magnitude 19,9 V en « stackant » 48 images de 5 s de pose individuelle. Bien que l’objet fût visible sur l’image finale, il était en outre trop faible pour une mesure astrométrique fiable. A ce jour, l’objet le moins lumineux que j’ai pu mesurer est  2020 SR7 avec une magnitude de 19,4V et un SNR aux alentours de 11. Ce qui reste somme toute une valeur assez correcte et laisse espérer une petite marge de progression.

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Le but de ces différentes manipulations n’est pas de repousser toujours plus loin la magnitude limite mais de pouvoir effectuer des mesures astrométriques fiables et correctes d’objets hautement prioritaires comme les neocp pour lesquels les magnitudes s’avèrent être souvent supérieures à 18,5 ou d’objets très rapides qui nécessitent des temps d’intégration plus courts que ceux normalement utilisés  pour figer le mouvement; en effet, en tolérant un déplacement équivalent à la taille angulaire de trois pixels maximum durant le temps de pose, cela impose (en fonction des caractéristiques de ma caméra et de la focale de mon télescope) un temps d’intégration de 128X (2.6s) pour un objet se déplaçant à plus de 50” arc/mn. Si de plus la cible n’est pas assez lumineuse, seule la technique d’empilement d’images permet de l’extraire du bruit de fond. C’est ainsi lors d’une nuit éclairée par une Lune gibbeuse, j’ai pu effectuer des mesures astrométriques de 2020 VG de magnitude visuelle 18,2 ayant une vitesse apparente d'environ 56”arc/mn.

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A la question peut-on pratiquer l’astrométrie avec une caméra vidéo ? Je réponds définitivement oui même si ce n’est pas l’appareil idéal. Cela reste une technique relativement simple à mettre en œuvre.

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 A ce jour je totalise 1930 mesures rapportées au Minor Planet Center (http://mpec.jostjahn.de/Z43-stat.html), toutes effectuées à partir d’une caméra Watec 910 HX/RC.

 

Christophe Ratinaud

Z43

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